Susanne Junker by Olivier Saillard

 



 

Les mannequins, jamais ne disent mots. Personnages omniprésents dans l’histoire de la mode depuis la fin du XIXe siècle, icônes inspirantes et muettes, elles incarnent les silhouettes de chaque époque sans sourciller, telles des ombres chinoises en papier découpé. Couchées sur les pages des magazines froids qu’une fine pellicule de glacis sépare du monde, elles entrouvrent la bouche pour laisser passer le son flottant de la stupeur ou de l’attente mais jamais celui d’une voix. Sur les podiums des défilés , seul le bruit sec d’un talon haut, lorsqu’il n’est pas lui même couvert par une musique dompteuse, sait retentir avec fracas. Mais le visage impassible et le regard absent des belles endormies restent de mise. Depuis les années 80 , les mannequins se cachent même pour sourire, participant ainsi à idéaliser un corps en mouvement, désincarné ou fantasmé tel que l’a voulule couturier roi. 

Les mannequins, jamais ne disent mots. Personnages omniprésents dans l’histoire de la mode depuis la fin du XIXe siècle, icônes inspirantes et muettes, elles incarnent les silhouettes de chaque époque sans sourciller, telles des ombres chinoises en papier découpé. Couchées sur les pages des magazines froids qu’une fine pellicule de glacis sépare du monde, elles entrouvrent la bouche pour laisser passer le son flottant de la stupeur ou de l’attente mais jamais celui d’une voix. Sur les podiums des défilés , seul le bruit sec d’un talon haut, lorsqu’il n’est pas lui même couvert par une musique dompteuse, sait retentir avec fracas. Mais le visage impassible et le regard absent des belles endormies restent de mise.

Depuis les années 80 , les mannequins se cachent même pour sourire, participant ainsi à idéaliser un corps en mouvement, désincarné ou fantasmé tel que l’a voulule couturier roi. On ne dit jamais « mannequin de formation » car les plus grandes et les plus célèbres ont souvent été « models » à leur insu .

Comme s’il fallait contrer la passivité statuaire devenue légendaire des mannequins de cire et de chair, Susanne Junker décide en 1999, de ne plus poser que devant son objectif. Après avoir servi les photographes les plus notoires, la jeune allemande née en 1973 entend passer de l’autre côté sans pour autant disparaître déjà. Contrairement à certaines de ses prédécesseurs qui de mannequins devinrent photographes, Susanne Junker a choisi de demeurer néanmoins son sujet, ne réalisant que des autoportraits en abîme.

Susanne Junker porte un coup d’arrêt à une carrière de mannequin telle que le système de la mode l’entend aujourd’hui encore. Elle décide alors de se rapproprier son image et partà sa conquête en se photographiant elle même par morceaux choisis, étapes par étapes. Miroir introspectif de son être, Susanne Junker se livre totalement pour mieux devenir l’auteur de mises en scènes où son corps révèle une féminité bouleversante .

Avec fracas ces oeuvres d’une rare sincérité nous offrent l’intimité des tourments de son âme. Ce n’est point pour photographier les autres mais pour évoquer son réalisme de mannequin étalé aux yeux de tous qu’elle entend réaliser ses propres images. Mannequin-sujet , Susanne Junker se bâillonne souvent pour mieux devenir sujet - auteur. Dans des mises en scènes inattendues, le papier glacé qui l’a tant servi comme support semble fondre sur elle et le texte dactylographié échoue là sur un corps par lequel s’expose cette part obscure de la féminité sublimée. Les photographies de Susanne Junker sont à voir autant qu’à lire. Les mots qui les accompagnent avec persistance sont des légendes pour l’épiderme, des messages à même la peau qui s’avancent avec vacarme. Sans parler, sans faire de bruit, Susanne Junker sait se faire entendre…

 

english translation:

 

Models never speak. Omnipresent players in the history of fashion since the end of the 19th century, icons of inspirations and yet silent, they embody the silhouettes of each epoch without cringing, like some Chinese cut-out paper shadow characters. Laid out across the pages of cold magazines, whose fine glossy film separates them from the rest of the world, through their half parted lips they may let pass the floating sounds of stupor or expectation, but are never given voice. 

On the catwalks that they traverse, only the dry noise of their high heels - when even that is not overcome by the all-taming music - can resound with a crash.  But the impassive faces and the absent regard of these sleeping beauties remains a given. Since the 1980's models will even hide their smile, thus participating in this idealization of the body in movement, disembodied or fantasized as even the legendary king's tailor could wish.

One never says “Model by education” because even the greatest and most celebrated among them oftenbecame “models” unwittingly .

It is almost as if she was going against the legendary statuary passivity of these models in wax and flesh that Susanne Junker decided in 1999, to no longer pose, except in front of her own lens. After having servedsome of the most well known photographers, this young German, born in 1973, changed sides without, for all that, disappearing completely.  Unlike some of her predecessors, those other models who became photographers, Susanne Junker has chosen to remain her own subject, creating her own impenetrable self portraits.

Susanne Junker cut short her career as model as the system understands it today. She decided instead to re-appropriate her image, conquering it again by photographing herself one part at a time, step by step. An introspective mirror of her being, Susanne Junker gives herself to completely become the author of her own self direction, revealing her own body in an upsetting femininity. With a loud crash these works of rare sincerity offer us the intimate torments of her soul.

It is not to photograph the others, but instead to evoke the reality of the model laid out before all eyes that she creates her own images. Model/Subject, Susanne Junker gags herself to better become Subject/Author. In her unexpected portrayals, the glossy page which serves as her support seems to melt onto her and the typed text is lost there where the body is exposed - this obscured and sublimated femininity. The photography of Susanne Junker is to be seen as much as read. The words which accompany these images do so with a certain insistence: they are captions for the epidermis itself, these messages have even a skin which advances with cacophony.  Without speaking, without making a sound, Susanne Junker knows how to be heard…

Olivier Saillard in occasion for the catalog of the exhibition "stageback" at Acte2 galerie 2006.




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